
Je suis désormais adulte et je snobe les câlins maternels au profit des cadeaux de Pommes-Carottes, alias Mère-Noël. Avez-vous déjà croisé ce bipède, mi-Fée Carabosse, mi-distributeur de friandises, qui s’octroie l’amour et l’obéissance des poulains à grands renforts de de grattouilles, de nounours et de licols à paillettes?
Ma pauvre maman, tu me regardes et tu te demandes s’il est trop tard pour te démener : Toilettage mutuel, galops éducatifs, des témoignages d’amour. Et pourtant j’ai l’esprit ailleurs et je flaire, je débusque le sucre et je me carapate à chaque occasion avec Pomme-carottes.. Pourquoi m’embêter avec tes leçons de politesse et tes reproches, tes « mange tes fanes de carotte! » alors que la providentielle Pommes-carottes me lisse le poil à l’envi, flatte mon ego et me susurre en souriant :
– Viens, Bichon, prends une pomme et une poire, on va jouer et s’en contre-balance, de ta vieille daronne gâteuse. Ce qui m’arrive, c’est un peu comme le syndrome de Stockholm, mais dans sa version édulcorée: je rêve désormais de troquer mon pré à perte de vue contre une prison dorée toute remplie de pommes, de carottes et de cadeaux au quotidien, quitte à me soumettre.
Pommes-carottes est un fin limier et elle sait y faire: elle observe, elle gratouille, elle gave:
– Pauvre Bichon, tu es affamé, prends une carotte et un bonbon aux herbes.
Et moi, en ventre à pattes qui se respecte, je collectionne les friandises comme d’autres bipèdes amasseraient les trophées.
– Toi, sa mère, avec ton amour désintéressé, tu ne fais plus le poids face à cette arrivante et son avalanche de largesses. C’est la guerre larvée des « mères nourricières » et Pommes-Carottes est classée favorite : elle dispose de l’artillerie lourde avec ses tonnes de friandises, de poires et de mashes appétissants… donc en comparaison de tes câlins… maman, reconnais que tu es hors jeu.
Attendons un peu de voir, se dit la mère. Lorsque les poches de Pommes-Carottes seront désespérément vides, les friandises englouties et les batteries de cette « Mère-Noël » bien à plat, vers qui Kandide, reviendra peut-être tout penaud … Possiblement vers sa vraie mère, celle qui l’a défendu contre les bipèdes violents, contre les chiens mordeurs, sans jamais lui tendre une carotte intéressée avec contrepartie? Car Pommes-Carottes oeuvre lentement, mais sûrement, pour te phagocyter un jour, Kandide et tu seras enfermé sans même en avoir conscience, dans un box doré, 23h/24, asservi, aveuglé par des douceurs et les friandies… loin de ta mère, la vraie, Câline, toujours là, inébranlable et définitivement libre mais qu’on aura eloignée de toi pour mieux te dompter.
Mieux vaut en sourire à ce stade: Kandide qui cède au chant des sirènes sucrées !!! L’amour d’une mère ne s’achète pas à grands renforts de pommes et de sucreries. Un jour, tu y verras clair, petit scarabée … ou peut-être pas ..parce qu’il sera trop tard.
En attendant, profite et ris de ce spectacle, ta mère te garde une botte de foin et une place sous l’ abri: tu peux partir et revenir à ta guise.
Billet pour mon fils Kandide. Câline