Le  Mufle 

Salut les solipèdes, emplumés et amis bipèdes!
Depuis mon pré, entre deux touffes de fétuque, une cabriole et un saut de mouton, je m’amuse à observer les bipèdes, et ils sont cocasses.
J’ai même constaté que certains d’entre eux sont dotés, non pas d’un nez et d’une bouche, comme nous les chevaux, mais d’un sacré mufle !
Vous avez bien lu, comme le nez de mes amies les vaches, ce museau bien gluant et pataud qui renifle sans finesse. Rassurez-vous amis bovins, ici on ne parle pas de vous, je fais référence à ces bipèdes qui, par manque de savoir vivre et d’élégance, piétinent les sentiments de leurs pairs ou notre sensibilité comme nous mettrions les quatre pieds dans une flaque de boue.

Le mufle bipède, qu’est-ce que c’est ?
Je trottinais près de la barrière et j’aperçois mon ami bipède tenir dans ses mains un picotin. Alléché par l’odeur, je m’approche, et le voilà qui passe devant moi, raide comme la justice et il va offrir le picotin à nos amies communes, les poules, tout en leur décrivant le contenu du festin dont elles vont bénéficier. Et moi je reste là comme un pauvre imbécile, à saliver, oublié du monde entier, triste et sur ma faim, invisible. Je ressens pleinement l’affront… J’essaie de comprendre sans y parvenir: S’agit-il d’une simple maladresse, de mépris déguisé avec volonté de me brimer, ou simplement sentiment de supériorité sociale, culturelle et intellectuelle? Jamais je ne me permettrais d’infliger cette attitude irrespectueuse à mes pairs; j’ai trop de plaisir à partager mon picotin avec mes amis les hérons, Nessie Puff et Kiki, mes carpes Koï, ou Pouicpouic, Cret’deCoque ou Nuggets, mes amies gallinacés.

Pourquoi les bipèdes se comportent ils ainsi?
Je n’ai pas encore une grande expérience de la vie de nos amis sur 2 pieds mais je me creuse le chanfrein pour chercher des raisons à tant de maladresse aussi cruelle;

Dans bien des cas on a affaire à un simple manque d’éducation comme ce foal tout-fou à qui sa mère n’a pas encore appris à ne pas se pendre à ses crins ou à sa queue,

Possiblement il pourrait s’agir aussi d’une façon de dire: « je suis plus important que toi, comme si les bipèdes secouaient leurs crinières avec orgueil pour les comparer les unes aux autres et s’assurer qu’ils sont les plus beaux, avec la plus longue et la plus soyeuse chevelure.

Parfois il peut également s’agir d’une petite vengeance mesquine, mais ce trait de caractère n’existant pas chez les chevaux, je serais bien en mal de trouver un exemple, donc je passe mon tour.

Que faire si vous êtes victime de la muflerie du bipède ?
Si un bipède cherche à vous faire sentir inexistant ou plus petit qu’un shetland miniature, voici ce que je vous conseillerais, de prime abord :

– Gardez la tête haute parce que vous le valez bien: ne laissez pas leur attitude maladroite vous faire douter de votre valeur. Vous êtes un pur-sang et ce sont eux, les mufles, qui jouent aux ânes bâtés.
Les ignorer me paraît être une bonne solution.

– Une répartie sur le ton d’un petit hennissement humoristique, à ce bipède qui parle du repas qu’il va partager avec vos amis et auquel vous n’êtes pas invité: « super et  voulez-vous que j’apporte le dessert? » cela montre que vous avez parfaitement vu le petit manège et n’en êtes pas affecté, et vous vous en tirez avec humour et panache.

Prendre le galop et aller trouver la paix un peu plus loin, avec de vrais amis bien éduqués ou bien rester seul. Face au bipède balourd et potentiellement toxique ou aux intentions mal définies, mais en tout cas pas bienveillantes, voire invasives ou destructrices, si vous êtes mis à l’écart sans élégance, profitez-en donc pour prendre sans délai, vos distances, afin de préserver votre santé morale et physique. La vie de poulain ou de cheval est bien trop courte pour s’encombrer avec les importuns, les prédateurs, les profiteurs, les coucous… ou bien pour continuer à brouter dans un pré rendu toxique; tenez vous loin des mufles et recherchez la compagnie d’amis authentiques qui partageront avec coeur et avec vous leur foin, sans arrière pensée pour vous humilier ou pour vous plumer.

En conclusion, restez vous même et faites comme moi: quand je caracole, sous la pluie, j’attends le retour du soleil avec philosophie et je reste fier de qui je suis: je ne suis ni quelqu’un qu’on sonne, ni qu’on éconduit.

Un mufle, c’est comme une douleur dans le cou, cela ressemble à un caillou coincé sous un sabot: c’est agaçant et douloureux mais on peut l’enlever facilement avec un cure-pieds; il suffit de ne pas le laisser s’installer et l’on évite ainsi d’avoir à crever l’abcès qui ne manquerait pas de faire empirer les choses si l’on ne réagissait pas rapidement.

Courage à toutes les victimes de ces malpolis et surtout gardez vos distances, soyez laconique et utilisez l’humour au besoin.

Kandide

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